L'aura
précaire
Les
photographies d’Élise
Boularan se distinguent par leur apparente simplicité. L’indicible du vivant
émane tel un état gazeux, les visages équivoques apparaissent dans leur
constitution fragile : la contenance de l’immatérialité de l’âme. Ainsi nous
est révélé à demi-mots l’aura d’un sujet, l’émotion d’un paysage, la couleur
d’un climat ou l’intensité d’une rencontre. Dans une pureté retenue et une
intrigue latente les modèles se dévoilent lentement et les paysages s’étirent
invariablement, irrésistiblement. Les individus cèdent un peu de leur intimité
«envoûtante» et de leur beauté intrigante. Ils confient leurs rêveries dans une
attitude réservée, se délivrent largement et se dénudent tendrement. Une
expression pudique et humble nous est transmise par le parcours incertain des
êtres croisés, des affinités développées et des amours trépassés. On n'y voit
la présence naturelle habitée, variable, de l’indélébile mémoire.
Dans
la combustion de l’instant, quelques âmes déambulent dans des paysages
désertés, se déplacent dans des lieux insolites et progressent dans des
territoires indistincts : intérieurs
domestiques dépouillés d’information, friches banales, forêts impénétrables,
océan tourmenté, ciel orageux et zones périphériques… Des espaces atemporels
sont traversés de lumière. Ils sont à la solde des éléments naturels et ils
changent également au fil du «climat des identités». Un silence habité, exalté
dans une lumière laiteuse, un silence vibrant, animé par la pigmentation
colorée, un silence éclatant, résonnant dans la profondeur ténébreuse d’une
interminable virée nocturne… Ainsi un approximatif et profond sentiment d’existence
nous atteint : l’omniprésent et invisible état d’éveil au monde.
Cette
chasse aux indices dans l’apparente simplicité de l’image rend compte de la
précarité d'une quête ou d'un désordre contemporain. Le magnétisme banal des
rencontres traversées ou les paysages étirés de la désolation future sont comme
le panorama d’exil d'un songe intérieur, d'un tourment imminent...
Nicolas
Savignat
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