Projections et trajectoires,
Olivier Geffard ou l’activité concrète de rendre la matière vivante et la nature animée spirituellement.
Le poids de la peinture occidentale est toujours intégré
dans notre façon de percevoir le monde et d’analyser les choses de la vie.
Ainsi dans ce nouveau contexte la peinture est maintenant traversée par
d’autres médiums. Des outils, des techniques, des matériaux qui sont exogènes
aux pigments, à la couleur ou à la toile traditionnelle. Dans ce récent rapport
à la pratique il y a donc de nouvelles logiques d’approches et des moyens
d’appréhension renouvelés.
Par exemple, Claude Viallat (1936-) a fait le choix d’une technique spécifique dans son travail. Il répète le même motif inexorablement. Une tâche répétée sans faute d’écart et paradoxalement ces propositions picturales sont toujours renouvelées. Il crée sans châssis. Il réalise sa peinture sur des bâches récupérées, des draps en pièces détachées, des rideaux achetés dans des friperies.
Ainsi le support se réinvente continuellement. Le « territoire » familier du médium traditionnel est abandonné pour oser l’impossible : celui de déborder du cadre habituel (le carré, le rectangle, le rond). Il fait le choix de mettre en scène son travail à même le mur pour vivre « l’instant suspendu d’un flottement déchiré ». On peut ainsi observer une forme ni abstraite ni géométrique comme une tautologie bariolée. Le développement de l’empreinte dans ce processus connoté n’altère en rien la créativité incessante de l’artiste.
Des artistes se sont emparés des médiums et des supports de la peinture traditionnelle dans une filiation naturelle et comme une opportunité avouable. La peinture n’est plus seulement associée à un sacerdoce suranné ou à un folklore frelaté. Elle devient un moyen de transgression nouveau et un vecteur d’émotions réelles :
La peinture de Gerhard Richter (1932-) est influencée fortement par le document photographique. Il s’inspire de l’impression floue et des propriétés de l’illusion propre au tirage argentique. La texture de la peinture, de l’image et de la figure est ainsi révélée dans une lumière feutrée. Le motif s’incarne telle une apparition fantomatique et il devient une substance tactile et trouble à la fois. La palette colorée est pleine de nuances : gris tourterelle, ersatz de nacre, gris anthracite… Les choix des sujets et les partis pris emparés sont atypiques et inédits (le cadre-la composition-le focus). Pourtant la toile est montée dans les règles traditionnelles et dans un savoir faire séculaire propre au travail de « l’artisan peintre ».
La personnalité érudite et énergique de l’artiste nous est transmise sans ambigüité. Il a une manière unique de traiter la lumière, de représenter le réel et d’interpréter le monde en retenant l’essence constitutive d’un sujet dans sa relative virtualité, dans sa fragile constitution et dans son impénétrable pouvoir de fascination : une mécanique de l’immanence, la vibration des songes ou le magnétisme de la vie.
Il nous communique son idéal de grandeur par des séries aux dimensions colossales et un hors-champs suggérant un infini approximatif au suspense latent et à l’issue électrisante. Gerhard Richter est comme un miroir paradoxal et immédiat de la matérialité de l’esprit, de la vanité des objets et de la complexité de l’image. Ces images sont comme une « matière sentimentale » ou une suite d’indices d’une « mythologie de la réalité ».
La représentation prise comme sujet de la peinture est finalement une source d’inspiration intarissable. L’artiste se livre avec franchise dans ce cheminement persistant et dans cette expérience humble tout en générosité. Ainsi il nous transmet une force critique, subtile et mesurée comme une condition d’existence au monde. Un décryptage saisi dans le judas de la peinture et imprégné d’essence de térébenthine d’une fragrance entêtante et d’émanations enivrantes. « The Paintings are secrets ».
la peinture comme moyen ?
(suite et fin)
...
Et la peinture, elle n’a plus le statut exclusif de l’image
dans ce fourmillement instable et dans cette densité effrénée. Elle n’est plus
l’épicentre de l’art, la zone érogène unique de la création ou exclusive de la
contemplation. On peut donc maintenant exercer sa créativité autrement car
la définition unanime d’un « territoire » de la peinture est
actuellement inadaptée voire anachronique. Cette discipline se cherche et
réinvente ses codes en se dégageant résolument de tout académisme formaté.
"Le
matin" - Olivier Geffard - 50x60cm - huile sur toile
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Olivier
Geffard tente le pari de la peinture
parmi cette jeune génération en mouvement. Son travail prend son sens dans une
pratique active et assurément passionnée. Dans la série Arbres il représente des sites pastoraux, des lieux oniriques
habités d’une aura douce et baignés d’une lumière quasi nébuleuse. L’énergie
intacte nous gagne lentement et le calme habité nous traverse irrésistiblement !
Un regard exalté par la lumière, stimulant l’imaginaire dans un éclaboussement
de paillettes et une gerbe de pubescences d’or : l’innocence fondamentale d’une
pureté accouchée.
"La
forêt primitive des prés humains" - Olivier Geffard - 80x80 cm - huile sur toile
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Quelques esprits « fantastiques » apparaissent
périodiquement ; ils sont cachés derrière les troncs longilignes ou tapis
dans la tourbe se confondant avec le crachin immatériel et les treillis de
lichen du paysage. On peut distinguer son travail pour sa virtuosité technique
dans la maîtrise des camaïeux de blancs qui atteignent un niveau de fluidité considérablement
élevé.
"Sapins"-
Olivier Geffard - 21x30cm - huile sur
toile
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L’artiste a un lien évident avec la métaphysique de Baruch Spinoza
(1632-1677) : « Dieu est la
Nature, la Substance unique et infinie. »
"Le
contempleur solitaire" - Olivier Geffard - 24x33cm - huile sur bois
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Olivier Geffard ou l’activité concrète de rendre la matière vivante et la nature animée spirituellement.
Sans
titre - Claude Viallat - 158x105cm - Acrylique sur montage de
chutes
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Par exemple, Claude Viallat (1936-) a fait le choix d’une technique spécifique dans son travail. Il répète le même motif inexorablement. Une tâche répétée sans faute d’écart et paradoxalement ces propositions picturales sont toujours renouvelées. Il crée sans châssis. Il réalise sa peinture sur des bâches récupérées, des draps en pièces détachées, des rideaux achetés dans des friperies.
Exposition : Mesure
donnée - Claude Viallat - 2012 - Pièces
de tissus peintes pendant l’exposition à Montpellier.
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Ainsi le support se réinvente continuellement. Le « territoire » familier du médium traditionnel est abandonné pour oser l’impossible : celui de déborder du cadre habituel (le carré, le rectangle, le rond). Il fait le choix de mettre en scène son travail à même le mur pour vivre « l’instant suspendu d’un flottement déchiré ». On peut ainsi observer une forme ni abstraite ni géométrique comme une tautologie bariolée. Le développement de l’empreinte dans ce processus connoté n’altère en rien la créativité incessante de l’artiste.
Vue pendant l’accrochage de l’Exposition : Mesure donnée - Claude Viallat -Montpellier - 2012
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Des artistes se sont emparés des médiums et des supports de la peinture traditionnelle dans une filiation naturelle et comme une opportunité avouable. La peinture n’est plus seulement associée à un sacerdoce suranné ou à un folklore frelaté. Elle devient un moyen de transgression nouveau et un vecteur d’émotions réelles :
- L’espace symbolique de l’art ;
- La
surface plane et le cadre ;
- Les
champs d’action revisités ;
- Une trajectoire réflexive à l’amplitude
avenante.
Cloud
[Wolke] -
Gerhard Richter - 200x300cm - huile sur toile - 1970
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La peinture de Gerhard Richter (1932-) est influencée fortement par le document photographique. Il s’inspire de l’impression floue et des propriétés de l’illusion propre au tirage argentique. La texture de la peinture, de l’image et de la figure est ainsi révélée dans une lumière feutrée. Le motif s’incarne telle une apparition fantomatique et il devient une substance tactile et trouble à la fois. La palette colorée est pleine de nuances : gris tourterelle, ersatz de nacre, gris anthracite… Les choix des sujets et les partis pris emparés sont atypiques et inédits (le cadre-la composition-le focus). Pourtant la toile est montée dans les règles traditionnelles et dans un savoir faire séculaire propre au travail de « l’artisan peintre ».
Cloud
[Wolke] -
Gerhard Richter - 200x300cm - huile sur toile - 1970
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La personnalité érudite et énergique de l’artiste nous est transmise sans ambigüité. Il a une manière unique de traiter la lumière, de représenter le réel et d’interpréter le monde en retenant l’essence constitutive d’un sujet dans sa relative virtualité, dans sa fragile constitution et dans son impénétrable pouvoir de fascination : une mécanique de l’immanence, la vibration des songes ou le magnétisme de la vie.
Cloud
[Wolke] -
Gerhard Richter - 200x300cm - huile sur toile - 1970
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Il nous communique son idéal de grandeur par des séries aux dimensions colossales et un hors-champs suggérant un infini approximatif au suspense latent et à l’issue électrisante. Gerhard Richter est comme un miroir paradoxal et immédiat de la matérialité de l’esprit, de la vanité des objets et de la complexité de l’image. Ces images sont comme une « matière sentimentale » ou une suite d’indices d’une « mythologie de la réalité ».
"Selbstportrait (autoportrait)" - Gerhard Richter - 51x46cm - Huile sur toile - 1996 |
La représentation prise comme sujet de la peinture est finalement une source d’inspiration intarissable. L’artiste se livre avec franchise dans ce cheminement persistant et dans cette expérience humble tout en générosité. Ainsi il nous transmet une force critique, subtile et mesurée comme une condition d’existence au monde. Un décryptage saisi dans le judas de la peinture et imprégné d’essence de térébenthine d’une fragrance entêtante et d’émanations enivrantes. « The Paintings are secrets ».
Alors la peinture est-elle devenue indéchiffrable par le langage verbal
dans son principe « d’insolubilité »? Et peut-elle contenir dans une
seule définition déterminée comme « un
cerveau dans une boîte à chaussure »? Cette insuffisante question reste ouverte
aux débats et aux continuelles considérations. Mais une chose reste certaine, l’art
se moque des langues de bois et tout homme d’esprit respectable se méfie
des points finals. Le dialogue est pour moi une franchise d’avenir et un
bol d’air ; un monde estimé dans ses ambivalences respectives et dans les
échanges interactifs d’une vie abordable, d’une vie introspective et d’une
vie partageable !
Nicolas Savignat
Website > http://nicolasavignat.wordpress.com/
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