Tu es assis de l'autre côté de la table, pas vraiment
en face de moi. Tu t'es écarté, puis tu as déplié
entièrement ton journal.
C'est le matin. Tu ne me regardes pas.
Dans la cuisine, il n'y a que la radio et ces lettres
impatientes, qui se bousculent sous mes yeux, avant de perdre sens contre tes
doigts.
Le papier journal est un océan gris, tes doigts y
flottent comme des îles.
C'est bizarre.
A force d'avoir arpenté tes deux mains, j'ai
fini par oublier qu'un jour, je frémissais pour elles.
J'oublie mon regard dessillé, sur les creux et les
bosses de ces territoires vierges. J'oublie la découverte et mon dépaysement.
J'oublie mes lèvres qui creusaient, dans ta chair leurs sillons.
J'oublie aussi les chutes, de pierres sur ma
tête.
Voilà, tes mains sont vides.
Chaque ride, chaque ligne s'effacent en ma mémoire.
Elles forment un lieu diffus, que j'ignore et connais.
Il y a bien ces étoiles, qui constellent avec l'âge,
le dos de tes mains pâles.
Mais elles n'éclairent rien de notre quotidien.
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