Du voyage
Ce
fut d'abord d'un monde à l'autre. Le sien, et le monde réel. La quantité de
savoirs qu'il détenait pour son âge était en inadéquation totale avec celui de
ceux de son âge. Mais d'où, eux, pouvait-il le tenir ? Comment y
accéder ? Ce voyage-là fut tardif, comme si une pression invisible avait
voulu l'en mettre à l'écart. Alors à quoi bon ces choses-là alors ? Les
légendes, les mythes, les histoires ?
Puis
peu à peu cela s'éclaircit : trouver seul la réponse sur le bord du
chemin.
C'était
là, et il ne peut que le constater, ça s'affirme dans la longueur. Pas besoin
de recul. Pour s'en rendre compte ni sauter. Toujours ces progressions sur la
ligne, d'avant en arrière, et inversement. Entre l'authentique et la fabrique.
Entre le rayonnement et l'obscurité. Entre le contrôle et la pulsion. Il
l'avait bien enregistrer, le schéma. Descente, repentance, pénitence, remontée.
Toujours plus haut. D'où cette chute toujours de plus haut aussi. C'était
mathématiques, presque. Inéluctable.
C'était
pourtant un gars plutôt gentil, affable, même. Trop peut-être. On n'acceptait
pas qu'il puisse dire merde. C'était si rare. Il encaissait si longtemps, que
lorsque ça craquait, on n'était pas apte à l'accepter de sa part. Comme si
cette franchise qui finissait par déborder était un privilège qui n'était pas
acceptable en cette personne. Quand bien même il restait égal à lui-même, qu'il
fermait sa gueule, ça ne changeait rien, le résultat était le même.
Un
moment, il avait cru réussir à échapper à cette spirale ascendante qui
l'aspirait vers le fond. Rompre tout contact avec le monde extérieur. Ne plus
exposer de flanc aux crocs périphériques, conserver les siens pour mieux
pouvoir les retourner contre lui-même. Mais les contingences de l'époque ne le
permirent. Les chemins sont bien plus
peuplés qu'autrefois. Propriété, monnaie, taxes, supermarché.
Les
uns après les autres, les gens qu'il croisait, inévitablement, tôt ou tard, il
avait réussi à se les mettre sur le dos, ou les regarder se détourner, exposant
leur propre dos. A présent qu'il lui semble avoir réussi à poser la pierre d'un
seuil, avec les murs autour, une seule chose le hantait : combien de
temps ? Combien de temps allait-elle supporter ce voyage ? Elle avait
accepté, décidé, la nuance a peu d'importance à présent, de partager la route
avec lui. Sa confiance en lui était tant entamé qu'il n'était plus en capacité de
concevoir qu'elle pût en avoir envers lui, envers eux. Et cette ligne, raide,
sur laquelle il s'échinait invariablement. Combien de temps ? Combien de
temps allait durer ce voyage ?
Cédric Bernard > http://lesmotsdesmarees.blogspot.fr
Les courants chauds sont toujours ascendants, ils mènent aux nuages, ils prêtent aux voyages...
ReplyDeleteet retombent en pluie
ReplyDeletela pluie qui lave la page
et l'on recommence
la pluie comme les larmes
la paysage éclairci