Thursday, January 31, 2013

FPDV N°35 / "De ces mouvements" / Cédric Bernard / France



















De ces mouvements
  
          Je voulais causer de ceux qui croisent la mer pour la première fois, et de ceux qui à la fréquenter ne la voient plus. J'avais cette idée du va et du vient, de ceux qui vont et viennent, et pensent qu'elle n'est que cela, un va et vient. Qu'ils ne la voient que comme cette grande étendue rendue à la lune, à son attraction. Qu'ils ne s'en émerveillent qu'au premier regard, et la maudissent d'y être confrontés chaque jour au front, en front, avec sa respiration entêtante, tempêtante. J'avais cette idée que cet élan latéral n'est pas que cela, et que la vision que l'on en a change avec le temps, qu'il y a une sorte de spirale ascendante, où ce mouvement a-priori linéaire ne l'était pas, mais bien que chaque jour en apporte un quelque chose, un sentiment de plus. Je me suis aperçu qu'il en était de même avec la terre. Je veux dire, la terre que l'on travaille. Que ces travaux des champs se répètent, chaque saison, le labour, le semis, la pousse, la récolte, le labour, le semis, la pousse, la récolte, le labour... Comme la mer laboure à chaque montée, sème ses doigts dans le sable, le pousse et ses murmures, puis se retire laisser à l'homme gagner du pied et de l’œil l'estran et sa frontière.
          Cette idée comme la mer et comme la terre a germé longtemps, jusqu'à ce que je comprenne que le rapport que l'on en avait était un rapport d'amour, qu'il y avait dans ce mouvement apparemment binaire autre chose qu'une mécanique. Le premier franchissement est celui du cycle, où l'on accorde au mouvement une circularité, qui poursuit néanmoins ce rapport sur le plan horizontal. Celui-là a acquis ce qu'il devait mais n'a pas pénétré encore le sentiment et son être. Il n'y a plus qu'un pas. Et une persévérance. L'amour diffère lui aussi dans le temps, sa forme meut en même temps qu'il va et vient, et chaque retour apporte un peu plus. Certes il ressemble à ce qu'il était mais n'est plus le même, comme la mer et la terre à l'achèvement du cycle. Et celui qui le ressent et a suivi ce mouvement, à y être attentif, s'est accru lui aussi. Il y a quelque chose de plus grand à l'intérieur de lui, qui ne porte pas réellement de mots, ni de silences.
L'amour change, avec le temps, comme la mer et la vision que l'on en a, l'amour change, avec le temps, comme la terre et la préhension que l'on en a. Ils se meuvent d'un mouvement qui semble si simple qu'on ne le voit pas, qu'on ne le voit plus. Il demande pourtant à ce que l'on s'y penche et le voit, pour grandir avec. Ainsi en vieillissant, peu à peu, on comprend toujours un peu mieux le murmure de la mer, et son silence, qui racontent à l'homme le moyen et la beauté d'aimer. Qui racontent à l'homme le moyen et la beauté de s'élever.

Cédric Bernard

2 comments:

  1. Mieux vaut tard que jamais, deux erreurs de ma part :
    - il manque le mot "jour", ligne 5, à la suite de "chaque"
    - enlever le -s- à "comprend", dernier paragraphe

    Pas très sérieux, je l'accorde, mes excuses...
    (réitérées si j'en ai raté d'autres...)

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  2. L'océan est fort de ses coupables reflux et de ses salutaires déferlements, l'amour aussi...

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