Du gribouillis au dessin : 2ème partie (suite et fin)
... Puis vient le temps du dessin, une élaboration poussée du gribouillage, une activité nécessaire, une profession valorisante.
... Puis vient le temps du dessin, une élaboration poussée du gribouillage, une activité nécessaire, une profession valorisante.
On peut dessiner de mille et une façons : dans la discipline de l’ascèse, dans le déchainement des passions, avec brutalité, dans l’ordre, avec fougue, avec délicatesse, avec mesure ou bien dans le tourment ! Tout peut devenir une méthode fiable si le désir reste entier et alimente la joie vivace.
Floriane Délié - Série
Liquide et mou - aquarelle et encre de
chine sur papier - 25x29cm - Ariège 2010.
Floriane Délié >
http://florianedelie.com/html2/dessins-idiots.html
Dans la série Dessins Idiots, l’artiste Floriane Délié
renonce à ses habitudes acquises et à ses facultés graphiques pour explorer une
méthode de dessin inhabituelle. Elle croque des motifs en utilisant sa main
gauche ou bien à l’aide de sa bouche.
Dessins idiots de Floriane Délié, crayon et bic sur papier,
13x21cm, Paris 2009.
Floriane Délié >
http://florianedelie.com/html2/dessins-idiots.html
Le dessin est soumis
aux imprévus, échappant à toute programmation préétablie à l’issue déterminée. Dans
cette pratique se révèle la dimension du précoce, la candeur juvénile, l’expression
des repentirs, la destination aléatoire et paradoxalement un dérèglement
raisonné voulu comme un prétexte au jeu.
L’expérimental
pratiqué comme dessein est-il invariablement une étape de la création, une
condition à l’expression nouvelle dont les enjeux ont une portée centrale,
prémonitoire ?
Chez l’artiste Cathy
Burghi on peut observer une volonté de varier les pratiques dans la
multiplicité des médiums emparés.
Fil sur toile - 24x36cm - 2012.
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Fil sur toile - 24x36cm - 2012.
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Dans ces dessins au
fil issus de la série Des-Bordada, la
figuration d’un motif est inscrite dans un processus de temps et de travail
propre à un savoir faire précis. Celui-ci permet d’avoir des aplats colorés
intenses, une texture chatoyante et évidemment des sujets définis, simplifiés
sans détail superflu.
Fil sur toile- 15cm de diamètre - 2012
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Fil sur tissu - 35x25cm - 2012
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Ainsi le dessin
s’élabore dans l’intrigue d’une confidence ; une intériorité débordante,
envahissante contenue dans une forme délicate voire plaisante. Tout de blanc,
de noir et de rose « vêtue », elle s’accorde le temps à la patience :
profond, habité, silencieux, intime. Elle se positionne à l’opposé de la
société contemporaine et de l’homme d’aujourd’hui : pressé, affairé
et finalement oppressé. Il s’agit d’une résistance éhontée ou d’une persistance
assumée ; la volonté de garder intacte sa zone secrète comme un droit de
réserve ou comme un devoir nécessaire. La solitude comme un trésor inestimable
sans calcul, sans programme, sans intégrisme extrême ou définitif.
Fil sur tissu - 20cm de diamètre - 2012
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Fil sur tissu - 15cm de diamètre - 2012
Cathy Burghi >
http://www.cathyburghi.fr/
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Le dessin va donc
au-delà d’une pratique cantonnée uniquement au crayon HB et à la feuille A4. Il
peut être mêlé à la peinture, projeté directement sur une applique murale,
engendré par l’accumulation raisonnée de tesselles de pâte en verre dans le
cadre de l’élaboration d’une mosaïque par exemple. Il est souvent associé avec
l’activité de composition : de structurer, d’organiser l’espace, de rendre
visible les lignes directrices du plan.
Guggenheim as a Ruin - string, tape,
plastic and razor blade on paper - 96,5x68,9cm - 2009.
Sarah Sze > http://www.sarahsze.com/ |
Dessiner sur la surface
de la feuille, continuer sur le pan du mur, déborder d’un cadre défini, envahir
les cimaises, souiller les volumes, les recoins du sol au plafond ;
proliférer dans l’espace de l’architecture par un réseau de lignes, une palette
colorée. Ainsi peut-on encore parler de dessin quand la représentation
virtuelle se traduit sur les volumes réels, se projette sur le mobilier
domestique ou urbain?
The
Art of losing, mixed media, dimensions variables, Museum of Contemporany
Art, 2004.
Sarah Sze > http://www.sarahsze.com/ |
Véritable peintre en
volume, graphiste de l’espace Sarah Sze (1969-) réalise des sculptures
éphémères in situ. Elle compose un
univers en se jouant de la gravitation terrestre dans des installations
ambitieuses et poétiques. Elle assemble un nombre indéfini d’objets, associe des
formes et des couleurs révélant ainsi la profondeur de l’espace ; une construction
réglementée et à la fois libérée de tout système rigide au postulat
inflexible.
Une œuvre articulée comme un dessinateur
prolonge une ligne de fusain, gomme une masse ténébreuse, rectifie une
proportion déraisonnable ; la modulation empirique et intuitive en continu de
formes intégrées dans le volume d’un lieu.
Miniature Words.
Sarah Sze > http://www.sarahsze.com/
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Peut-être la
définition d’un médium précis ou d’une discipline nette est trop étroite, excessivement
limitée pour la pensée foisonnante et l’idéal d’absolu d’un artiste pris dans
le tourbillon de la création !? Actuellement on remplace le mot artiste
par celui de plasticien ; ceci est probablement mieux approprié aux recherches
transdisciplinaires contemporaines et à l’ambition de créer des passerelles
entre les choses, des liens transgenres.
Chez l’artiste Cy
Twombly (1928-2001) il est intéressant de remarquer comment parfois il occupe
l’espace de la toile dans une sorte d’impulsivité savante.
Cy Twombly (American, 1928–2011) - Pencil, pastel, crayon and oil on paper - 50.3 x 70.6 cm - 1963 |
Il marque, ponctue la surface du médium de
traces ou de signes ; un mélange entre l’adresse et les accidents. Ce
grand écart tire sa force d’un équilibre précaire, un geste ayant l’air hasardeux et
paradoxalement une exécution précise et adroite. Ici on peut avouer sans fausse
prudence que le dessin fusionne avec la couleur dans une alchimie permanente.
Cy Twombly, Untitled (Rome), 1966, Oil, Wallpaint, grease |
Cy Twombly - Untitled - 1970
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Des parties de
l’espace sont griffonnées, d’autres sont délaissées, immaculées. Il y a des
signes picturaux, quelques lignes enchevêtrées et des parcelles saturées… Tout
cela compose l’espace du plan ! Je trouve que les accidents variables
voulus sont proportionnels à la maîtrise d’un tracé obtenu.
Cy Twombly - Leda and the Swan - oil, pencil, and crayon on convas - 190x200cm - 1962 |
Cy Twombly - Ferragosto V - oil paint, wax crayon, lead pencil on convas - 164,5x200cm - 1961 |
Cet artiste largue
une passerelle entre le savoir et l’ignorance, l’intuition et l’intention, la
volonté et le hasard, les sens et la raison, le dessin et l’écriture : la
formule de l’innommable dans les digressions gestuelles, des répétitions
lyriques et des ruptures de tons aux intensités franches.
Cy Twombly - Untitled - Chicago. |
Cy Twombly - Night Watch - 1966. |
Les dessins de
Sébastien Russo ont une fougue juvénile et une énergie indomesticable. Cette
circulation effrénée dans le dessin
provoque un envoûtement particulier. La note harmonique dans la richesse
ornementale est omniprésente. Ainsi l’artiste dompte ses lignes avec une
aisance précise et un calcul non visible ; un mélange de sensations
ambivalentes alternant entre l’angoissant et l’euphorique, la fascination et le
vertige.
Chez Pierre
Alechinsky (1927-) les arabesques rythment l’espace ; les cercles avortés
donnent un tempo d’ensemble. La
répétition participe à l’imprégnation mentale et nous entraine dans une danse
hypnotique visuellement parlant. Les volutes décoratives laissent échappées des
serpentins flottants, sinueuses déflagrations…
Pierre Alechinsky > http://www.galerie-lelong.com/fr/oeuvres-pierre-alechinsky-2.html
Les boucles
raffinées ont vraisemblablement l’apparence d’un « gribouillage »,
une analogie qui est loin d’être si évidente. Ici la science de la ligne déliée
est à son paroxysme et elle s’ouvre à d’infinies variations au niveau de la
palette de couleurs employée et dans le déploiement des motifs manipulés. On
s’y perd agréablement dans les méandres, les dédales décoratifs, les
labyrinthes fantaisistes de ce coloriste hors pair (ancien membre du group
CoBrA).
Pierre Alechinsky - Under the volcano. |
Pierre Alechinsky - The night - 1952. |
Chez nos
contemporains comme chez Albert Oehlen (1954-) on peut y voir les mêmes
fondements bruts de la création jusqu’à une élaboration plus sophistiquée dans
la pratique. Un univers complexe où se mêlent et luttent gribouillis, tracés aux
doigts, lignes dynamiques du tableau, effets de flou, saturations prononcées ;
un penchant tantôt pour les formes géométriques tantôt pour les figures libres.
Un vas et viens lyrique entre une gestuelle arbitraire et une composition par
le mouvement.
Albert Oehlen - Conduction 1 - 2009 - Galerie Nathalie
Obadia -Courtesy.
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Albert Oehlen - Conduction 2 - fusain et acrylique sur
toile, 270x310cm - 2009 - Courtesy.
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Une citation de l’artiste résume bien en peu de mots les interférences omniprésentes, les
réciprocités incessantes, la contigüité invariable entre toutes ces questions
propres au discours sur l’art.
« Tout ce qui
se passe est ce qui se passe dans le tableau »
(Source :
revue : L’été certains l’aiment show 2011)
Peon
- oil on convas - 191,5x191,5cm - 1996.
Albert Oehlen >
http://www.saatchi-gallery.co.uk/artists/albert_oehlen.htm
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Également chez
l’artiste Christian Lhopital, il y a les mêmes préoccupations de travailler sur
le point de rupture d’équilibre entre ordre et désordre, forme et informe,
intelligibilité et opacité…
Ainsi démonstration
est faite que l’art surgit là où l’on ne s’y attend pas. Et opposer le
brouillon et le dessin est un exercice bien relatif. Finalement la distinction absolue,
la définition intégrale d’une chose est vraisemblablement un non-sens en tant
que fin. Elle est surtout un moyen d’amorcer, de nourrir un dialogue de fond
entre les individus, une investigation universelle en perpétuel mouvement.
ART IS DEAD
ART IS SUN
ART IS REAL?
Nicolas Savignat.
Website > http://nicolasavignat.wordpress.com/
J'ai nagé entre toutes ces lignes dessinées.
ReplyDeleteJe me suis hydratée de rondes et diagonales délirantes de créativité.
Je m'en suis léché les pupilles .J' ai même salivé des couleurs.