Thursday, April 26, 2012

FPDV N°26 THIERRY ROQUET & EMILE ALENDA


Sauf que je ne suis pas à l’aise !
J'arrive avec plusieurs minutes d'avance.
Sonnette à la porte d'entrée, j'entre : il y a du monde. Je m'en doutais.
Timide bonjour. Musique de fond.
Je ne suis pas à l'aise avec les gens. Dans le métro, dans le bus, c'est pareil.
Je m'assieds sur un vieux siège en bois. Le dernier siège de libre.
Je tente de faire le vide : de rentrer en moi mais j'en ressors aussitôt.

Je regarde partout, discrètement.
La fenêtre qui donne sur une petite cour intérieure.
La propreté du sol puis les affichettes préventives (sida, alcool, cancer du sein), les faux tableaux sur les murs. 
La table basse est pleine de revues empilées.
Paris-MatchElle, Marie-Claire, des revues pour les enfants.
Une femme se mouche en silence et se tient droite.
Une autre en face, absorbée dans sa lecture ; je ne distingue pas bien le titre du livre.
Un jeune homme renifle sans cesse et envoie des textos.
Un homme costaud, buriné croise les bras. Son regard noir défie nos vies, nos microbes, nos névroses, tout ce qui lui résiste.
J'entends une personne chuchoter.
C'est un vieux qui avoue un secret à l'oreille malentendante de sa vieille.
Puis le sol les affichettes préventives le mur. La table basse. Les revues. Les gens. La fenêtre. La porte.

"Je suis une momie, me dis-je. Je suis une momie".
J'ose à peine bouger.
Je me répète la phrase une quinzaine de fois.
Mes doigts s'entortillent dans mes poches.
On se demande qui est le plus malade d'entre nous.

Je regarde l'heure. Le temps passe ?  ne passe pas. Merde !
La porte s'ouvre enfin ; le docteur appelle un nom. Ce n'est pas le mien.
La porte se referme.

Je repars à zéro.
J'arrive avec plusieurs minutes d'avance.
Sonnette à la porte d'entrée, j'entre : il y a du monde. Je m’en doutais, toujours pareil !
Timide bonjour. Musique de fond, la même on dirait.
Je m'assieds sur un vieux siège en bois. Celui qui grince.
Je ne suis pas à l'aise du tout avec les gens. Leur regard. Au boulot, c’est pareil.
Je tente de rentrer en moi, j'en ressors aussitôt. Va falloir que ça cesse. 
Que je cesse de sortir ainsi, que je reste là où je suis.
Sans attendre plus longtemps...

Texte : THIERRY ROQUET / http://moritchum.blogspot.fr/
Illustration : EMILIE ALENDA / http://lesboutsdepapier.blogspot.fr/

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