Saturday, February 25, 2012

FPDV PRÉSENTE JULIE PERIN


CACHE-CASH PAR J.P. GAVARD-PERRET
Jamais loin de l’art conceptuel, du minimaliste mais aussi d’un certain recup-art Julie Perin trouve sa « materia prima » sur les lieux frontières, les bords, rebords et écarts : que ce soit ceux du corps (qui joue subrepticement avec le textile), que ce soit avec les pales haies de glace ou de béton des périphéries urbaines. Tout chez elle reste sujet à transgression : le corps, le paysages mais d’abord et avant tout le ou plutôt les langages plastiques.
Dessins de notre quotidien le plus basique, photographies réinterprétatives de nos espaces, « ausculptations » de nos lieux équivoques dénudent l’œil. L’artiste en effet ne montre pas forcément directement : elle voile afin de suggérer Dès lors il se peut qu’il ne reste rien du premier miroir où le visage perdu au-dessus d’une épaule nue s’est mis aux arrêts de l’autre. Et les autoportraits - comme d’autres pièces - disent l’épreuve du temps.
Julie Perin, en dépit sa jeunesse, fait preuve d’une lucidité exemplaire et d’une force intense de reprise de tous les motifs. Elle met à mal les stratégies de la persuasion et du racolage. Elle provoque des effets de distance : périphérie par rapport au centre, déplacement des lieux de fantasme du corps féminin vers des points excentrés et ironiques. L’œuvre devient un miroir particulier. Il ne réfléchit pas une image, il fait réfléchir celle ou celui qui la regarde. Bref le miroir divise. Le réel est objet de perdition et le corps voilé ouvre à une tentation particulière. D’une main l’artiste tend le miroir, de l’autre elle le fait trembler.
L’artiste a le mérite de ne jamais sacrifier les détails. Elle les préfère aux vues d’ensembles. Non les murs : les pierres. Non le corps : les stigmates. L’œil vise mais la cible échappe au centre… S’y laissent la proie pour l’ombre, l’ange pour l’animal. Tournant le dos au simple charme Julie Perin en n’écarte pas pour autant toutes de traces. Elles représentent le spectre fardé d’un autre qui n’est pas. Et ce afin de rendre inopérant toute ressemblance. Ni Narcisse ni Méduse ne peuvent y trouver leur compte. Il y a ainsi un moment où le premier ne possède plus de nom et où la seconde joue plus les punks iconoclastes que les filles de l’air romantiques.
L’artiste explore des lieux de passage, sans charme (ou avec…). Ils prennent une nouvelle perspective grâce au système de signes parfois faussement réalistes, parfois quasi conceptuels. Il s’agit d’une manière de mettre à mal la misère ornementale. Elle se réduit dans l’œuvre à de simples armatures ou « ossements » graphiques. Ils regorgent toutefois d'une troublante curiosité. Face à l'immense braderie des images l’artiste crée une archéologie des signes. La banalité n’est plus reléguée loin des axes visibles de pénétration. Et la société de consommation en prend pour son grade. Sur le gâchis, la destruction comme sur la parade l’artiste monte des temples paradoxaux et dégradés, de nouveaux "décors" Il suffit d'un petit espace vierge de papier pour que Julie Perin vienne l’habiter afin de s’inscrire en faux contre la laideur affichée. Ses dessins ou ses prises ont leur valeur de paradis artificiels.
Aussi baroque qu'austère, avide du rien et du trop-plein l’œuvre invente un amalgame à la fois cohérent et hétéroclite. Surgit un travail d’écart postmoderne. Une périphérie de la périphérie. Sans formalisme marqué par un seul registre ou genre l’artiste souligne l'a-morphisme du monde. Les structures volontairement sommaires mais essentielles ne dupliquent jamais des recettes déjà vues. Les scénarisations minimalismes possèdent un enrichissement maximum. Du paysage il n'est alors plus question. On le biffe, on le raye, on fait une croix dessus. Il s’ouvre à un autre esprit de compréhension.
Par les dessins de Julie Perin le spectateur est confronté à l'espace intérieur et à l'espace extérieur. A ce qu'il croit être dedans, à ce qu'il croit être dehors: "Etre" devient en conséquence la réalité commune. La créatrice met du paysage dans du paysage, de l’espace dans l’espace, de la matière dans la matière. Ses œuvres même les plus « abstraites » sont un point de vue comme la réalité elle-même est un point de vue. Quant à certaines « caricatures » de l’artiste on se demande qui, en elles, est miroir de qui. Un monde s'installe dans un autre. Parfois il n’y a plus rien de tangible. Tout s'écroule, et même pour tout dire, il n’est pas certain que l’artiste est sure d'avoir jamais aperçu quelque chose. Sinon des bribes ou bien une ombre qu’elle peut suivre du crayon ou de la main qui modèle, met en scène avant de capter et finaliser le mystère.













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