Thursday, October 4, 2012

FPDV N°32 / Murièle Modély et Bruno Legeai


« Eden sans toi, ou l’innocence de personne » - 

 ...De temps en temps, elle va rompre l’écoulement monotone de son existence dans un jardin public. Elle se plaît à regarder l’agencement régulier des essences familières et exotiques. Les grilles autour de ce déploiement vert l’isolent du désordre et ceignent son angoisse. Tout est si maîtrisé : l’allée de bitume, de chaque côté l’herbe rase, et les arbres postés en ligne droite. 

Elle s’assoit sur un banc, juste en face du bassin, où des enfants viennent faire des vagues. Elle aime leur agitation fraîche, qui chasse le silence. Non qu’elle ne parle à personne, les gens dans l’immeuble, dans la rue, et dans l’établissement où elle se rend, aussi souvent que l’exige l’administration, l’interpellent généralement très fort.

Mais dans le jardin, les voix ne claquent pas.  Le chuchotis des feuilles coule sur sa tête, ses épaules ; l’élastique tendu entre ses omoplates doucement se détend. Le chant des arbres lui rappelle, sans qu’elle s’en rende vraiment compte, les berceuses de l’enfance.  

Parfois un homme s’assoit tout près d’elle, le banc est à l’ombre d’un cerisier. Elle observe alors les ombres dessiner des nuages, sur sa joue et sa bouche. Un homme s’arrête, s’assoit, puis s’en va, quand il sent son regard...

2 comments:

  1. Sans traces indélébiles. Evaporations.

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  2. Un très beau texte, Murielle. Beau et si différent. Tu es éclectique.

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