Julie Perin > http://julieperin.com/ |
Julie Perin, « Memory » ou le palimpseste de chair
Puisque ce n’est pas la voix qui sort du corps mais bien le corps qui se tient, là, tout entier dans la voix, il faut d’abord écouter Julie Perin. Il y a dans cette voix la mémoire vivante d’un corps. Non pas des souvenirs qui ne seraient qu’images dévitalisées mais d’abord des traces qui sont des empreintes et des cicatrices vibrantes.
Papier, calque et
bocaux démultiplient, dans le temps et l’espace, ce corps fragmenté, cette
mémoire de chair qui sans cesse se perd et se reprend à la manière du geste de
coudre.
Le fil, l’encre,
les matières végétales ou organiques, viennent tour à tour traverser et emplir
ce corps rhizome. Ils en scandent, tout à la fois, entre douleur et douceur,
fragilité tenace, l’intenable dispersion et l’impossible unité. Ils en
déploient les facettes et les moments où palpitent l’enfance, le féminin,
l’individu et leurs envers.
Le travail
artistique se fait prolifération assumée et vaste entreprise de sécrétions.
Impossible ici de ne pas entendre le « secret ». En ensachant, en
recouvrant, en trouant, en estompant, tendue entre le délicat et le brutal, Julie
Perin choisit de ne dire qu’à demi.
Manière pour elle
de souligner l’absence, de vriller par avance toute expression qui ne serait
pas sécrétion, qui ne porterait pas à son revers, à mots couverts, son secret
et son silence. Manière aussi de laisser une vacance dans laquelle s’engage le
corps sensible, pensant et souvenant, de celui qui regarde. Manière de laisser
aux désirs la possibilité de proliférer dans les interstices de la suggestion
et du voilé.
Voilà l’écart et ce
« jeu » qui entre deux pièces à la fois relie et sépare. Souvenir du Memory
dans lequel les images retournées, aussitôt cachées, cherchaient leurs
pareilles. Ici la complétude se fait impossible. Reste la quête, à fleur de
peau, dans la trame du temps accumulé et disparaissant.
Jean-François PASCAL
Directeur de la Galerie Paradis
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