Thursday, March 1, 2012

FPDV n°25 un nouveau départ / Edito / Caroline Cranskens & Ana Neto


I
llustration > Ana Neto

C’était le début d’une histoire.
Je voulais des souvenirs partout, je voulais traîner, rôder, errer encore, une tristesse infinie, inconnue, la lumière du soir, ailleurs l’incendie, le son d’une voix, l’extinction des feux, chaque jour attaché au suivant, pour rien, articulé dans le vide d’un nouveau départ. Les erreurs plombées au revers de l’espace, ciel ouvert, fuyantes comme des lignes qui se recroiseront bien si elles existent.
Sans index pointé. Avec l’Océan qui n’était plus rangé dans un tiroir. J’ai beaucoup marché, découvert puis redécouvert le jamais vu, après le monde qui me tapait sur les nerfs, après lui (P) qui valait bien son poids de mystères, après tout ça, dans la nuit qui tombait nette et dans l’aube dépouillée et les ombres vertigineuses de midi sonnant les cloches, le pas léger, lourd, flottant et vissé au sol roulant du voyage.
Je suis passé en trombe, sans prendre le temps de souffler, d’abord de l’autre côté, chez un homme qui pêchait la nuit en lançant des lumières vertes qui ramenaient tout - poissons plats, poulpes, casquettes, poupées de porcelaine, sous-marins. Il chantait et racontait des histoires en série comme des montagnes russes avec le portugais en boucles douces et je n’avais plus pied déjà mais de là où on se trouvait, j’avais vu Lisbonne, mon nouveau repère, lentement s’éteindre et se perdre dans le hurlement des vagues et du pont métallique. On avait mangé des fruits et de la chair tendre avec des arêtes en laissant venir les premiers rayons. Et je n’avais rien eu besoin de dire à l’heure de mes dernières forces, quand mon corps avait chuté librement vers le sommeil, sans mot clair
et sans axe.

Et alors : c’était le début.
J’allais bien arriver quelque part, surtout qu’il m’avait fallu semer des tonnes de points entre parenthèses. À creuser plus tard parce que chaque fois je filais là où on entendait la musique. Quand ça bifurquait, je me disais “je reviendrai”. J’avais laissé des trous en plan, et des appels d’air. C’était cassegueule et inflammable. Pour le moment, je retournais vers mon mantra, un château de cartes, la ville, la grande ville blanche avec ses joueurs de flûte et de mots qui me disaient :
“C’est par là”.
Chaque moment comme un truc de dingue.
Le deuxième jour, j’ai rencontré l’homme surnommé le Pac.
Comment se termine cette histoire ?
Comment commence la prochaine ?
Questions barrées. Les siennes. Je passe aux suivantes.

Texte > caroline cranskens 

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