Elle est maigre. Elle n'a ni seins ni fesses, mais elle s'obstine à mettre
des décolletés, qui ne mettent en valeur que ses côtes.
Aujourd'hui on voit aussi ses hanches : elle a mis un jean taille
basse. Comme elle est très blanche, on a l'impression que l'os sous la peau est
un couteau japonais en céramique, planté dans son pantalon.
Je la regarde.
Une heure plus tôt, sur la table de la cuisine, il y avait une casserole de
pâtes, trois boîtes de camembert, deux baguettes, un pot de cornichons, un
boîte de petits pois, un pot de nutella, des raviolis.
Une heure plus tôt, j'avais ouvert la porte et l'avais vue manger. De dos.
Sa tête s'agitait dans une danse. Il n'y avait que le bruit de sa
mastication sur le fil du silence.
Elle ne m'avait pas entendue, j'ai fait semblant aussi.
Je la regarde de haut en bas. Je cherche maintenant sur son corps, où toute
cette bouffe a pu se réfugier. Mais rien ne dépasse.
On ne sent même pas l'odeur aigrelette des
régurgitations dans son haleine mentholée. Sa bouche est nette, la table
aussi.
Il ne reste aucune trace de la fête solitaire.
A part peut-être dans ses orbites
où ses yeux figent
dans la bouillie bilieuse
du bol alimentaire
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